Le principe de neutralité du Net rétabli aux États-Unis
Une manifestation contre la fin de la neutralité d'Internet aux États-Unis, le 28 novembre 2017. « La neutralité du Net, c'est la liberté d'expression », peut-on lire sur la pancarte.
Photo : Reuters / Kyle Grillot
Abolie depuis six ans aux États-Unis, la neutralité du Net marque finalement son retour : l'autorité américaine des télécommunications a décidé jeudi de rétablir ce principe qui garantit l'accès égalitaire à Internet.
Chaque consommateur et consommatrice mérite un accès à Internet rapide, ouvert et équitable.
Ces règles sur la neutralité du Net garantissent que vous puissiez aller où vous voulez et faire ce que vous voulez en ligne, sans que votre fournisseur fasse de choix à votre place
, a ajouté la présidente de l'Agence fédérale des communications (FCC) avant de passer au vote.
Depuis 2018, les entreprises de télécommunications américaines se réservent le droit de demander à leur clientèle de payer pour accéder à certains sites web. Elles peuvent également moduler volontairement la vitesse de connexion, en fonction des contenus.
Cela a ouvert la porte à ce que des fournisseurs d’accès à Internet favorisent des sites leur appartenant, au détriment de ceux de la compétition, ou encore à ce que des entreprises les paient pour offrir à leur clientèle un accès plus rapide à leur service.
Cela a même pu affecter des internautes au Canada, en raison du trafic web qui transite en grande partie par les États-Unis. Pourtant, le Canada, de même que la plupart des pays du monde, adhère à ce principe de neutralité du Net. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) avait par ailleurs jugé bon de renforcer son engagement sur ce principe, lorsqu’il a été éradiqué dans le pays voisin.
Mais voilà que les États-Unis font marche arrière : la FCC a voté, par trois voix (démocrates) contre deux (républicaines), pour réinstituer la réglementation adoptée sous Barack Obama en 2015 sur ce principe de neutralité du réseau Internet.
[Les nouvelles règles] indiquent clairement que votre fournisseur d’accès à Internet ne doit pas avoir le droit de bloquer de sites web, de ralentir des services ou de censurer des contenus en ligne
, a indiqué Jessica Rosenworcel.
Une décision qui avait fait réagir
En 2017, sous le gouvernement de Donald Trump, la FCC s'était prononcée pour la fin du principe de neutralité du Net, assurant qu'il nuisait aux investissements des télécommunications dans les réseaux Internet ultrarapides.
À cette époque, le président de l'agence estimait que les règles sur la neutralité constituaient une tentative de transformer les fournisseurs d’accès Internet en services publics, moins prompts, selon lui, à investir.
Cette abolition était depuis combattue par de nombreux États. La Californie avait réagi en adoptant sa propre loi de garantie de la neutralité du Net, qu'elle a ensuite dû défendre devant les tribunaux.
Tim Berners-Lee, le créateur d'Internet. (Photo d'archives)
Photo : AFP/Getty Images / Mandel Ngan
Tim Berners-Lee, le fondateur du web, ainsi que Steve Wozniak, cofondateur d’Apple, avaient critiqué ces changements dans une lettre ouverte, signée par 21 personnes et envoyée au sous-comité des communications, de la technologie, de l’innovation et d’Internet.
Notons que la plupart des grandes plateformes numériques s'opposent également à cet Internet à deux vitesses
et défendent le principe d'accès égalitaire.
Une décision saluée
Jeudi, Evan Greer, qui dirige l’organisme de défense des droits numériques Fight for the Future, s'est dit ravi que la FCC reprenne enfin ses responsabilités pour protéger les consommateurs et les consommatrices des pires méfaits des grandes entreprises de télécommunications
.
Les géants des télécommunications, tels que AT&T et Comcast, ont dépensé des millions en lobbying et manœuvres douteuses pour tenter d'empêcher le retour de la neutralité du Net. Mais ils continuent de perdre.
En amont du vote de la FCC, l'ONG Electronic Frontier Foundation avait cependant averti que rétablir les règles de 2015 ne constituait pas une solution miracle
.
Les fournisseurs d’accès à Internet doivent être ouverts sur la manière dont le trafic est géré sur leurs réseaux afin que tout le monde puisse savoir s'il y a un problème. Les collectivités locales peuvent également jouer un rôle crucial en soutenant des réseaux ouverts à la concurrence
, avait détaillé l'organisation.
Avec les informations de Agence France-Presse